Aller au-delà de l’horizon, un des besoins fondamentaux des humains.

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par Denis TENDRON

Samedi 30 mai  2020 à 21h22 deux astronautes américains, Doug Hurley et Bob Behnken se sont « déconfinés » de la terre. Installés dans la capsule Crew Dragon produite par la société privée Space X d’Elon Musk et propulsée par la fusée Falcon9, ils sont allés rejoindre la station spatiale internationale.

Ce très bel exploit a été admiré et salué par tous les amateurs de conquête spatiale. Le spationaute français Patrick Baudry s’est réjouit à cette occasion que celui-ci soit, après 20 ans de relative stagnation, une nouvelle étape de la conquête de l’espace et une relance de la course entre les américains et le tandem Chine – Russie.

Dans le même temps beaucoup s’interrogeront certainement sur l’intérêt de cette débauche de capitaux et d’énergie fossile à un moment où nous n’avons même pas su prendre les dispositions de nous prévenir d’une crise sanitaire, de trouver les moyens pour protéger la planète et de réduire les inégalités.

Mais cette situation, en apparence paradoxale, ne l’est pas si on prend en compte le besoin  irrésistible qu’ont les hommes, depuis la nuit des temps, d’aller par-delà l’horizon. Pascal Picq nous le rappelle dans son livre Sapiens face à Sapiens paru chez Flammarion en 2019 : « Il y a plus de 100 000 ans se dégage un fait nouveau : Homo Sapiens a la tendance à aller par-delà l’horizon, à pied et en bateau, que cet horizon soit une chaîne de montagnes, une plaine sans fin où la mer ».

Cette tendance est d’ailleurs aussi partagée par nos autres cousins hominidés. Dans son autobiographie, le célèbre psychanalyste Jung, parle d’un voyage en Afrique, au pays Dogon, où le soir venu, alors qu’il observait, avec une admiration muette, le coucher de soleil le plus fabuleux qu’il lui était donné de voir, il s’aperçut, en levant la tête, que des dizaines de singes étaient apparus au sommet de la falaise. Ils observaient, eux aussi, le soleil disparaissant à l’horizon. Étonné, Jung demanda aux villageois si les singes étaient coutumiers de la chose. On lui répondit que, aussi loin que les ancêtres puissent se souvenir, les singes s’étaient toujours comportés de cette façon.

Cette envie des humains n’est sans doute pas autre chose que la manifestations d’un des trois besoins fondamentaux de tous les mammifères. David Daniels, Professeur en médecine, qui a longtemps dirigé le département sciences comportementales de l’École de médecine de l’université de Stanford et Jack Killen qui a été  chercheur en bio médecine à l’Institut National de Santé aux USA, ont rapporté les travaux récents des neurosciences faisant apparaître trois besoins fondamentaux chez les mammifères pour se maintenir en vie. Et l’humain, le plus évolué d’entre eux, a bien sûr lui aussi ces besoins fondamentaux pour assurer sa survie.

Un de ces besoins est de disposer de connaissances pour identifier les menaces, les dangers. Pour gérer à l’avance des situations potentiellement douloureuses et d’acquérir un sentiment de certitude en employant des processus mentaux d’analyse, d’imagination, de préparation et de planification. Si nous pouvons comprendre le monde et anticiper ses exigences, nous pouvons gagner en sécurité, suivre les règles et évaluer les risques. Cela nécessite d’anticiper l’avenir, à la fois les manifestations positives et celles potentiellement menaçantes, et de développer des stratégies pré-pensées pour vivre.

Les humains, avec leur néocortex le plus riche en neurones de tous les mammifères, sont bien sûr très concernés par ce besoin. C’est probablement cela qui a poussé les hominidés,  depuis la nuit des temps à toujours à aller par-delà l’horizon. Et d’ailleurs dans tous les pays développés ils y accordent  encore plus d’importance.

Que les humains aient désormais envie d’aller par-delà la terre, n’a donc rien d’étonnant. Parions même que cela ne s’arrêtera pas de sitôt ! Mais n’oublions pas qu’il existe d’autres besoins tous aussi fondamentaux, qu’il ne convient de ne pas d’oublier pour continuer à survivre. Un bon équilibre est à trouver.

 C’est peut-être parce que l’on a oublié cet équilibre que nous sommes confronté à la crise d’aujourd’hui ? Nous en reparlerons !